Le GIEC pour les nuls

Un de nos groupes de travail a souhaité travailler au printemps 2015, à quelques mois de la COP21, sur les textes du Groupement Intergouvernemental d’Experts sur le Climat (GIEC) pour mieux comprendre les messages de la communauté scientifique sur l’enjeu climatique. En voici, selon nous, les principaux messages à retenir.

Le constat des scientifiques : pourquoi il faut agir tous et tout de suite (Février 2015)

1. Les caractéristiques du système climatique commandent l’urgence de notre action

Sur la question du réchauffement climatique la réaction fréquente est : « je ne vois rien de très grave actuellement dans la dérive climatique, il sera temps de réagir si le problème s’aggrave ».

Cette réaction intuitive est totalement erronée. Contrairement à la pollution atmosphérique, l’effet de serre n’est que très peu perceptible immédiatement. L’effet de Serre augmente la part de l’énergie solaire piégée dans l’atmosphère. Cela apporte de la chaleur Non pas instantanément, mais au fur et à mesure que le temps passe. L’échauffement est donc réparti sur le temps de vie du CO2 dans l’atmosphère. Et la durée de vie du CO2 est de l’ordre du siècle. On voit qu’il y a un laps de temps très long entre l’action d’émission de CO2 et ses conséquences climatiques. Très logiquement les nuisances augmentent au fur et à mesure que le « stock » de CO2 augmente ; et il nous faudra du temps pour réduire notre production de CO2, voire l’arrêter. Le pic de stock et donc le pic de nuisance se situeront dans le futur.

Les phrases du GIEC que nous avons relevées sont les suivantes :

« de multiples approches indiquent une relation quasi-linéaire, très étroite et bien documentée entre les émissions cumulées de CO2 et la température moyenne globale projetée en 2100. […] Sans effort d’atténuation supplémentaire au delà de ceux actuellement déployés, et même avec de l’adaptation, le réchauffement d’ici la fin du xxie siècle conduira à des niveaux élevés à très élevés de risques d’impacts sévères, étendus et irréversibles au niveau mondial ».

En résumé :

  • La démarche scientifique établit une relation directe et certaine entre le cumul du co2 et les impacts irréversibles. Ce n’est donc pas demain, quand on verra des dégâts, c’est aujourd’hui qu’il faut arrêter nos émissions car elles contribuent à augmenter le cumul.
  • Comme c’est le cumul du co2 qui est dangereux, cela met sur un pied d’égalité tous les émetteurs. Toutes les émissions se valent, d’où qu’elles proviennent, entreprises ou particuliers, dans toutes les régions du monde, aujourd’hui ou demain. Il faut dès maintenant balayer chacun devant sa porte et la rue sera propre !

2. Les impacts pour le futur : estimer le risque réel, sans minimiser ni faire de catastrophisme.

Le dernier rapport du GIEC parle d’une hausse possible des températures de 4 à 5 °c d’ici la fin du siècle qui  entraînerait des bouleversements prévisibles longuement détaillés : montée en flèche du nombre de réfugiés climatiques, fin de certaines productions et dangers pour la sécurité alimentaire à l’échelle mondiale, impacts sur la santé humaine, disparition de nombreuses espèces…

  • Il existe des risques de basculements soudains et irréversibles même si le moment de ces basculements est difficile à prévoir. Ces risques augmentent avec la montée de la température.
  • Une prise de conscience traduite par des efforts soutenus de réduction de l’utilisation des énergies fossiles permettrait de limiter l’élévation de la température moyenne mondiale à 2°c à la fin du siècle et d’éviter ainsi les risques les plus graves. L’effort de diminution correspondant est dans notre pays de l’ordre de – 3% par an si tout le monde s’y met, ce qui représente par personne un effort réel mais réalisable.

3. Que faire ?

Le problème qui se pose à nous se décompose en fait en deux problèmes distincts :

  • Il s’agit d’un problème de gestion dans le temps d’une ressource finie : il faut restreindre nos utilisations d’énergie fossile aujourd’hui en contrepartie d’un futur moins catastrophique.
  • Il s’agit aussi d’un problème au niveau mondial de « gestion des biens communs ». La
    Gestion anarchique et dévastatrice actuelle dans laquelle les plus forts utilisent la ressource à leur guise ne peut continuer.

Sur ces deux problèmes, la responsabilité des Etats est engagée et par là celle des électeurs : il faut que les Etats s’accordent pour mettre en place une diminution organisée de l’utilisation des énergies fossiles mondiales.

Il ne suffit pas d’être d’accord avec le constat de la situation et la nécessité de faire quelque chose, à tous les niveaux de la société. Il faut que chacun ait conscience de la nécessité absolue de passer à l’acte individuellement et collectivement et de partager le diagnostic et l’action avec un maximum de gens autour de soi pour entraîner notre adhésion commune.

4. Pour cette mobilisation, quel discours efficace faut-il tenir collectivement : « un avenir non pas inquiétant mais désirable » ?

Les avis sont partagés.

A/ restons optimistes : nous abordons une période de grandes mutations mais l’avenir n’est pas pour autant à voir de manière négative et inquiétante. Nous avons les moyens de le penser, certes différent, mais sans doute meilleur et enviable ; dans une société bien entendu économe en énergie et en matières premières, respectueuse de notre écosystème, mais désirable par les modes de vie qu’elle nous offrira en matière de consommation, de culture, de santé, de logement, de loisirs, de temps de travail

Partagé, d’égalité et de démocratie, à condition que nous soyons capables collectivement et individuellement de la construire.

B/ il faut convaincre par l’action : qu’on soit optimiste ou pessimiste, développons l’économie nouvelle qui commence très doucement à se mettre en place : ressourceries, réduction de nos consommations d’énergie, économie de l’échange, économie du collectif (comme blablacar et autres), les réseaux de vente locale et directe, développement des véhicules électriques, etc.

C/ mais restons vigilants : bien regarder le tsunami qui risque de nos arriver pour mieux s’en protéger. L’action unanime et collective de tous les habitants de la planète serait à la portée du genre humain. Mais l’observation du monde actuel dominé par le « chacun pour soi économique » des personnes et des états rend aujourd’hui hypothétique cette mise en action unanime. Seule une grande conscience de la catastrophe possible peut donner la force d’une mobilisation nécessaire pour une vraie transition vers un monde aux règles nouvelles.

Optimiste ou pessimiste, quelle attitude collective est-elle la bonne ? La discussion reste ouverte mais de toute façon, il faut agir !