Plaidoyer pour la mise en place par l’État des Comptes Carbones Individuels
De nombreuses associations (Compte Carbone, le Shift-Project, ACTE, et bien d’autres) réclament une action structurée de l’État pour protéger le climat. Pour un « bien commun » aussi important, ce serait un minimum. Mais l’heure n’est pas aux nouvelles dépenses publiques. L’État doit investir un champ d’action nouveau : la motivation individuelle. Confier à chacun la responsabilité de limiter la pollution liée à son mode de vie est une idée simple, très utile et peu coûteuse. La création d’un Compte CO₂ Individuel va monter à chacun son rôle actuel et son objectif. Cette mesure, pourtant décisive pour mobiliser le public, n’existe pas encore. Trois freins l’expliquent : priorités floues, pédagogie insuffisante et surestimation des coûts.
1 / La plus grande cause du dérèglement climatique est l’accumulation du CO₂ issu de l’utilisation des énergies fossiles. Ce dérèglement entraîne la perturbation du climat, des régimes de l’eau, des cultures et de la biodiversité. Pourtant, beaucoup de citoyens occultent cette chaîne principale de causes et d’effets. Ces énergies fossiles, qui représentent encore aujourd’hui le montant énorme de deux tiers de notre consommation totale d’énergie (1), doivent être réduites en urgence, car les productions futures d’énergies propres sont très loin d’être suffisantes pour les remplacer. Diminuer notre dépendance à l’énergie exige des efforts individuels et le soutien de l’État.
2 / Dans la recherche de cette sobriété, les projets actuels des associations, fondés sur une obligation de résultat, seraient, bien sûr, plus efficaces que les habituelles obligations de moyens, mais ils échouent politiquement car jugés trop « punitifs » pour une urgence qui n’est pas assez perçue. Mieux vaut aujourd’hui que l’État prenne l’initiative en fournissant gratuitement à chacun son empreinte CO₂, calculée facilement sur la seule base des consommations d’énergies fossiles. Ce serait une démarche indolore et beaucoup plus pédagogique vis-à-vis du citoyen. Accessoirement, un bonus-malus lié à la décroissance de la consommation énergétique suffirait à donner plus de sens à la démarche, sans qu’il soit besoin de sanctions. La liberté de choisir son engagement est conservée pour l’avenir, de même que la motivation collective. Le chemin est montré !
3 / Le coût pour l’État serait modique car le calcul est simple : les chimistes nous disent que brûler du carbone fossile émet toujours 0,4 kg de CO₂ par kWh généré. Comme l’énergie est mesurée et facturée partout, il est facile de suivre son trajet et donc celui du CO₂. Au moment de chaque achat ordinaire, grâce notamment aux cartes bancaires, chaque bien ou service pourrait être associé à l’énergie fossile enregistrée en amont. L’État et les banques disposeraient ainsi des données pour établir les Comptes CO₂ Individuels.
Ces comptages d’énergie généralisés constitueraient une révolution et rendraient visibles les vrais enjeux, à coût quasi nul. Un enjeu vital, accessible par une méthode simple ! Qu’attendons-nous pour agir ?
Dominique de Rotalier
- Pour le calcul du rapport (énergie fossile utilisée) sur (énergie totale utilisée), voir « Sortir du réchauffement climatique », page 34, Editions du Dauphin.